Histoirre de la Primature

Le Palais du Gouverneur Général était en principe l’actuelle Palais de la Nation qui abrite les services de la Présidence de la République. Le projet de cette construction était en gestation depuis 1924. Mais les travaux n’ont été entamés qu’en 1956 et le gros des œuvres ne sera achevé qu’à la veille de l’indépendance. Les prévisions pour la décoration intérieure n’auront même pas le temps d’être exécutées. Le Gouverneur Général du Congo belge n’a donc jamais pu habiter son Palais qui ne fut achevé que pour devenir le siège du Parlement de la République du Congo/Léopoldville.
Le bâtiment de la Primature, le siège actuel du Gouvernement avait été prévu comme résidence du Vice-Gouverneur Général.
Cette grande demeure a été construite en 1928-29 par le service des travaux publics de la colonie.
A cause du retard pris dans la construction de la résidence du Gouverneur Général et de l’imminent transfert de l’administration coloniale, de Boma à Kinshasa, il fut décidé d’utiliser temporairement cette demeure comme Palais du Gouverneur Général.
Le bâtiment a donc rempli cette fonction jusqu’à l’aube de l’indépendance. Six Gouverneurs Généraux y ont habité. Il s’agit d’abord d’Auguste Tilkens (1927-1934) dont le nom devint celui de la rue sur laquelle la résidence était bâtie. Il fut remplacé par Pierre Ryckmans (1934-1946) le gouverneur célèbre qui défendit les intérêts de la colonie pendant la deuxième guerre mondiale ; Dominer pour servir, tel est l’intitulé de son principal ouvrage faisant état de sa réflexion sur l’œuvre coloniale. Son fils, André Ryckmans, Administrateur du territoire d’Inkisi sera assassiné en 1959, dans la fièvre de la décolonisation, sur le pont d’Inkisi dans le Bas-Congo. Eugène Jungers (1946-1952) qui l’a succédé fut à la base des premières grandes réformes après la guerre mondiale. Léon Pétillon (1952-1958) est connu pour avoir tenté d’instaurer la communauté belgo-congolaise sans succès. Enfin, Hendrick Cornelis (1958-1960) est l’homme de la décolonisation qui quitta ce qui avait été le Congo belge, le 5 juillet 1960, le jour même où éclataient les mutineries de l’armée coloniale, la Force Publique.
C’est dans cette résidence, en juillet 1960, que s’installa le tout premier Premier Ministre congolais, Patrice Emery Lumumba.
Après sa révocation par le Président Joseph Kasa-Vubu, le 5 septembre 1960, il lui fut interdit de sortir de la résidence. De la sorte, il y avait au moins deux cordons de militaires autour de la résidence : celle des Casques bleus de l’ONU pour le protéger et celle des soldats de l’Armée Nationale Congolaise (ANC) pour l’arrêter au cas où il s’aventurerait en dehors de la concession de la résidence.
En Octobre-Novembre 1960, la résidence du Premier Ministre, Patrice Emery Lumumba, est sous une double surveillance, celle des Casques bleus ghanéens et des soldats du colonel Mobutu.
La dernière soirée de Lumumba dans la résidence du gouvernement.
Voici le récit de ce qui s’est passé dans cette résidence, la nuit du 27 au 28 novembre 1960, la dernière soirée de Lumumba dans le bâtiment actuel de la Primature.
« Depuis 21 heures, la pluie tombe avec force dans la nuit, ce dimanche
27 novembre 1960. A la résidence Tilkens de Léopoldville-Kalina, le Premier ministre, Lumumba Patrice, prépare un départ clandestin vers Stanleyville, sa ville fidèle. Il entend y rejoindre le Président national du Parti Solidaire Africain (PSA), Gizenga Antoine, qui a pris le pouvoir à la mi-novembre au nom du pouvoir central congolais.
Autour de la résidence, plusieurs cordons de troupes : la plus proche est formée de Casques bleus de l’ONU, souvent des Ghanéens, chargés de la protection du leader congolais, contrôlant toutes les entrées. A l’extérieur du cordon formé par l’ONU, sont postés des militaires congolais appartenant à l’Armée Nationale Congolaise (ANC) du jeune colonel Mobutu, officiellement fidèles au Collège des Commissaires Généraux.
C’est ce Collège, présidé par Bomboko Justin, qui détient à ce moment l’autorité de fait à Léopoldville. Le rôle des militaires congolais est d’empêcher Lumumba de sortir de sa résidence, comme il avait fait précédemment pour haranguer ses fidèles à la cité. A la moindre tentative, les soldats ont l’ordre de l’arrêter immédiatement (…)
La pluie et l’orage ont réduit la vigilance en ce 27 novembre. Les gardes de l’ONU se sont réfugiés dans un petit bâtiment, ainsi d’ailleurs que les soldats congolais.
La grande Chevrolet type « station » du Mouvement National Congolais (MNC), conduite par le chauffeur de Lumumba, quitte la résidence.
Les premières sentinelles congolaises sont disposées à croire que, comme d’habitude, la Chevrolet reconduit les serviteurs, ou Louis, le frère du Premier ministre, à la cité de Léopoldville. La garde de l’ONU ne se manifeste pas : elle n’a pas la charge de contrôler les sorties et d’ailleurs, quelques instants plus tôt, elle a distingué Lumumba à l’intérieur de la résidence.
Lumumba Patrice, celui que la Sûreté de Nendaka Victor appelle en code « le grand lapin » est dans la voiture, couché derrière la banquette avant. Les boys, installés à l’arrière, le couvrent tant bien que mal. Les para commandos sont plus vigilants : ils arrêtent la Chevrolet et s’apprêtent à la fouiller ; le chauffeur leur dit d’un ton très naturel qu’il va acheter des cigarettes et reviendra sans tarder ; les paras s’écartent et la voiture bondit… vers l’ambassade de Guinée où Lumumba doit retrouver sa femme Pauline et son fils Roland, lesquels vivent en ce moment à Kinshasa chez un cousin. » (Heinz, G. et Donnay, H., Lumumba Patrice : les cinquante derniers jours de sa vie, Bruxelles-Paris, CRISP-Seuil, 1966, pp. 13-14)
Depuis cette période, le bâtiment s’est transformé en Hôtel du Gouvernement.
Tous les Premiers ministres de la République Démocratique du Congo s’y sont succédés.